#Togo : besoin d’inaugurer quelque chose chez vous ? Appelez le numéro de la présidence…
Un après-midi de 2003, à l’Assemblée nationale. Les gorilles sont rassemblés dans l’hémicycle (rapporte »Tout Mignon » de Fitini). Les primates légifèrent.
Dernier point : divers. Un député prend la parole : « Je voudrais m’adresser à nos amis caméramans de la télévision nationale. Je ne sais pas si mes collègues parlementaires leur versent des commissions pour qu’ils puissent apparaître dans les reportages qu’ils diffusent sur nos séances parlementaires; mais je voudrais leur faire remarquer que depuis que je suis député, je ne suis jamais apparu à la télé; dans aucune édition du journal télévisé. Il faut quand même que ceux qui m’ont élu sachent que moi aussi j’existe !« . Rire général dans la salle. Abass Bonfoh, président de séance, rit, tous les autres gorilles rient et puis plus rien; on est déjà passé à autre chose.
Dans notre pays le Togo, comme dans bien d’autres pays africains (même style, même manière de penser chez le législateur), il faut bien reconnaître que le ridicule ne tue pas; il engraisse. Il engraisse le député qui ne rencontre pas ses électeurs, « ceux qui lui ont remis la veste pour les représenter » dixit encore Fitini.
Si le député ne va pas à la rencontre de ses électeurs durant son mandat, alors en quoi les représente-t-il ? Que va défendre dans une assemblée, un parlementaire qui ne sait pas ce que veulent ses électeurs?
Nombre de députés répondent aux abonnés absents dans leur circonscription durant leur mandat. Ils attendent la pré-ampagne pour aller organiser des galas de football, distribuer quelques gadgets et parler aux gorilles. Le primate est facile à convaincre. »Venez, on va aller au zoo visiter les animaux », dit la métaphore de Fitini dans son « Tout Mignon ».
Au Togo, le pouvoir est à pourvoir. C’est dans quelques semaines. Et l’actualité récente semble montrer que le président de la République lui-même fait un peu le député qui s’est longtemps absenté de sa circonscription. Alors que tout le mandat présidentiel s’est déroulé sans grand contact avec les populations, ce dernier, à quelques jours du lancement de la campagne, fait du rattrapage. Il brise le cocon et fait l’amour à la foule.
En attendant la campagne électorale, beaucoup de rubans coupés ornent l’autel de popularité du président? Dans cette pasionaria fiévreuse pour le peignage de la girafe et l’enculage des mouches, il faut prier le dieu des inaugurations que ces nouvelles infrastructures ne soient pas des éléphants blancs. Une fameuse anecdote raconte sous les cieux africains, comment on a fait danser des populations qui ont reçu un don de médicaments; et comment les mêmes médicaments sensés être enfermés dans une case, ont disparu nuitamment, pour réapparaître le lendemain dans un autre village, où on a refait une cérémonie de dons à d’autres populations avec force danse !
A la faveur d’une déferlante inattendue des inaugurations faites par le président lui-même, les twittos togolais mordent… Ce sont des jeunes loups qui s’aiguisent les dents par clavardage. Tenez ! quelques morceaux choisis, quoique… j’en suis un peu pour quelque chose aussi… A la distribution des fessées, je passerai sûrement un sale quart d’heure??? :
-C’est la saison des inaugurations et des « lancements » de projets au Togo? -Non. C’est la saison des élections. -Ah, OK. #gnadoe
— Kelly Adediha (@KellyGeek) 10 mars 2015
ENORME! RT @salaudlumineux: @KellyGeek on a d’ailleurs prévu d’inaugurer une élection présidentielle le 15 avril prochain #gnadoe
— Kelly Adediha (@KellyGeek) 10 mars 2015
Pour reprendre mon gentil @salaudlumineux, il est temps ke le chef de l’Etat inaugure les inondations #TGinfo pic.twitter.com/iBU7xgtzDV
— Marthe Fare (@Nounfoh) 25 mars 2015
L’actualité récente montre également que dans le pays des grandes inaugurations, la santé est malade, l’éducation fait l’école buissonnière, les travailleurs sont dos aux murs. Ils n’ont plus d’autres choix que de s’asseoir (sit-in) pour gréver. La sourde clameur qui monte telle une plainte vers le ciel du « ministère des Inaugurations ».
Les grévistes du public ne doivent-ils pas revoir la forme écrite de leurs revendications? Exemple, au lieu de demander l’établissement d’une nouvelle grille salariale, qu’ils écrivent plutôt « l’inauguration d’une nouvelle grille indiciaire »?
Du côté du gouvernement, au lieu de voir le diable et autres démons de l’opposition dans les revendications sociales, ne doit-on pas inaugurer une nouvelle manière de dialoguer avec les grévistes ? leur expliquer pourquoi ils ne peuvent pas tout obtenir tout de suite; et que l’homme qui veut succéder à lui-même leur promette de s’y atteler dans un délai d’urgence. Si on le lui fait voir comme l’inauguration d’une promesse de campagne avant la campagne, peut-être, se retrouverait-il dans son élément?
Enfin, je dis ça, je dis rien… Les lendemains sont incertains et on ne sait pas à quelle extrémité préjudiciable arrivent ceux qui n’ont plus le choix…
En attendant, si vous avez quelque chose à inaugurer, appelez la présidence de la République togolaise… le service gratuit comprend les options sirènes et gyrophares, tout est fourni. La présidence va bientôt diversifier ses activités inaugurales. Vous pourrez bientôt lui faire appel pour : les baptêmes, les dédicaces, les premières, les avant-premières, les étrennes, les vernissages et autres ouvertures.
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