En Afrique, on ne balance pas le porc. On le mange

3 décembre 2017

En Afrique, on ne balance pas le porc. On le mange

Balancer le porc sur les réseaux sociaux c’est le genre féminin attaquant le genre masculin avec toutes ses armes. La dénonciation au prime abord (la femme sexuellement violentée sans être violée libère la parole sur les réseaux sociaux); et la victimisation (la femme rappelle qu’elle est faible et que l’homme fort abuse de sa position de dominant pour l’oppresser).

Ce n’est pas faux. C’est même très vrai. Mais dans ma position de salaud, je me suis interrogé (non pas à tort) mais à raison :

« Pourquoi maintenant ? Pourquoi fait-on comme si on ne savait pas avant » ?

Si vous avez la réponse, commentez et insultez mon ignorance, je l’aurais bien cherché. Parce que de vous à moi, la conscience collective n’ignore pas que dans les milieux artistiques, dans les entreprises publiques comme privées, dans les multinationales, les producteurs, les patrons, ont toujours, forts de leur position, brandi « un droit de cuissage qui ne dit pas son nom » pour maintenir sous la pression de leur corps (ils sont souvent gros, les boss), la petite nouvelle, la stagiaire, la petite starlette, couchée dans le canapé confortable du bureau cossu. Et si cette dernière hésitait jusque-là à offrir sa fleur cachée au patron, les promesses de soutien d’ambitions personnelles faites par ce dernier l’encourage à s’abandonner entièrement à cette chose que l’on aime recommencer si souvent, à cause des reconnaissances charmantes qui s’y trouvent.

Aujourd’hui pourtant, les filles qui hier ont donné de leur personne, de leur sexe pour certaines, tel un sacrifice sur l’autel de leurs ambitions personnelles en disant « oui, touche-moi là » disent aujourd’hui « on m’a touché, attouché, je ne voulais pas, on m’a forcé ». Partout dans la société occidentale, la vague déferlante d’une purge sur la base de petites dénonciations, parfois mêmes renversantes par de là même qu’elles peuvent être insignifiantes sous d’autres cieux comme le mien (il m’a touché les fesses une fois) font tomber de puissants producteurs, et des patrons jusque-là porteurs de masques d’hommes infaillibles devant toute situation. Un nouveau NUREMBERG condamne les hommes qui n’ont pas commis le crime de violer, mais qui n’ont pas pu s’empêcher de toucher.

Mais j’ai une autre question : Parfois les dragueurs éconduits insistent un peu avec l’espoir qu’elles finissent par dire oui. A partir de quel moment deviennent-ils des harceleurs ?

Chez moi au Togo, un porc a été récemment balancé. Sur twitter, une blogueuse-mode togolaise reconnue a publié des captures de conversation avec une amie. Dans les échanges, elle lui racontait comment elle a failli être violée par un non-moins connu acteur du web du même pays. Reniant la promesse faite il y a quelques années, au frère du harceleur de ne pas parler de sa mésaventure, elle libère la parole. Sur twitter, elle jette en pâture, l’homme qui dit-elle, l’a pressé contre un mur, et à qui elle a échappé, alors même qu’il avait sorti son sexe pour ce que nous savons.

Seulement, l’action #balancetonporc à la togolaise n’a pas laissé la traînée de poudre que j’espérais (et que la blogueuse probablement souhaitait).  48 heures de commentaires et de soutien éparses, sporadiques, et puis plus rien. Grande question: pourquoi ça n’a pas fonctionné ?

La culture mes cher(e)s ! La Culture !

Je vais vous le faire en tirets :

  • Dans la culture africaine, les filles ne disent jamais oui, et ce même quand elles finissent par tomber amoureuses de l’homme qui vient leur conter fleurette. L’homme doit toujours forcer un peu ! Mieux encore, la croyance générale, la règle tacite établie est que à partir du moment où elles acceptent d’être seules dans le même espace confiné que leurs courtisans, c’est qu’elles ont accepté de coucher. Je ne vous cite pas les cultures où on demande d’enlever la jeune fille de force à sa famille pour aller la violer, ce qui a pour conséquence le mariage direct et forcé; je ne vous parle pas de ces cultures où avant de coucher pour la première fois avec la femme, il faut la passer à tabac, pour la ramollir un peu. Eh oui il y a des maso au pays des noirs, qui l’eut cru ?
  • Dans le rapport homme-femme de nos sociétés africaines, la femme est inférieure à l’homme. Elle n’a pas droit à l’héritage familial, elle n’a pas le droit à la parole pendant les réunions de famille, elle n’est bonne qu’à la cuisine et à la satisfaction sexuelle de son mari, le mâle dominant. Et même si aujourd’hui les ONG se fendent et se pourfendent pour rééquilibrer les forces, et même si le code de la famille, par la force de la législation dans divers pays africains font de la femme, l’égale de l’homme au foyer, dans la pensée collective des hommes africains, la femme doit se soumettre et coucher quand il le faut. Ces dernières d’ailleurs continuent de donner raison aux hommes puisque le marasme économique aidant, on ne compte plus le nombre de femmes prêtes à octroyer le droit de cuissage aux hommes qui paient bien. Une prostitution qui ne dit pas son nom, mais maintient toutes les femmes dans la position de machine à sexe qui doit obéir quand on introduit les sous dans la fente (je suis désolé). Ce blogueur ecclésiastique ne nous a t-il pas dit que : La petite vient en mangeant ?
  • Il y a hélas les thèmes musicaux de notre époque qui ne protègent en rien les femmes. Elles sont déjà mal barrées quand tous les chanteurs en font venir dans leurs lits pour danser non ?  Que toutes celles qui ont dansé sur « Coller la petite de Franko » viennent balancer les porcs, elles l’ont cherché. Les femmes sont chantées comme des objets sexuels qu’il faut « embrouiller, angoisser et coller » (paroles de Coller la Petite). Elles font semblant de cacher leur appétit sexuel sous de faux airs de fille sage. Donnez leur un peu d’alcool, de l’argent, une belle voiture et une belle maison pour les plus difficiles et elles seront à vous. L’image de la femme vue par les stars de la chanson au Nigéria, stars hélas populaires dans toute l’Afrique : Are you gonna dance if i show you my money – Wizkid (Vas tu te mettre à danser si je te montre mon argent). Mignon n’est-ce pas ?

L’image de la femme africaine telle que perçue dans la culture lui pose un bâillon sur la bouche et l’empêche de crier au porc. Elle ne le peut simplement pas; parce que l’éducation même le lui interdit. Une femme lui a t-on dit, ne fait pas la compagnie des garçons ! une femme ne va pas chez un garçon pour lui dire qu’elle est amoureuse. Quand elle est d’accord, elle va s’asseoir sur son lit, il comprendra.

Ici chez nous, au pays de l’homme noir, quand il se mue en porc, c’est un peu aussi parce que la femme l’a bien cherché. Sinon qu’est-elle allée faire seule dans la maison d’un homme seul à 22 heures pétantes ? Si rien ne justifie la violence faite aux femmes, fut-ce à but sexuel, on ne pourra pas négliger le fait que pour bien longtemps encore dans nos cultures_et j’en suis désolé_, les hommes seuls qui verront arriver des femmes seules chez eux n’auront qu’une seule pensée : Céder tout de suite aux faiblesses de la chair; et recommencer si ils ont pris du plaisir.

En attendant, au vu de l’auto-insuffisance alimentaire en Afrique, quitte à balancer le porc; mieux vaut le manger.

D’ici-là reposons nous la question pour nos sociétés africaines :

Jusqu’à quelle limite le dragueur éconduit devient il un harceleur ?

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Commentaires

Mme Anson sitsofe
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Bonjour Eteh. Vous avez raison. L'éducation des filles au Togo est bien libertine. La toucher n'est pas considéré comme un attouchement. Et d'ignorance en ignorance de ces gestes déplacés, on a fini par accepter l'ignominie qui est de trouver normale le fait de céder pour trouver du travail. Pour conclure, ce sujet ne sera jamais sensationnel au Togo. Le viol peut l'etre. C'est à la femme individuellement de lutter pour son honneur. Sans cela, pas de travail, même pas de mariage.

Eteh Komla ADZIMAHE
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Je suis admiratif devant votre commentaire. Je m'incline, et s'il reste un peu de poussière au sol, je m'y confonds. Vous avez tout dit. Et je vous en remercie.