Togo – 56 ans d’indépendance d’un pays mort-né

26 avril 2016

Togo – 56 ans d’indépendance d’un pays mort-né

C’est un tableau que je vais peindre en noir. Un tableau noir que je vais dépeindre. De toutes les manières, c’est une opinion de salaud… Ceux qui auront le courage d’aller jusqu’à la fin de ce billet pourront se rendre compte que c’est de toute façon mal barré… je me fiche complètement de ce que vous ressentirez après. Vous pouvez aller vous suicider jeune… peut-être que comme le Christ, vous profiterez bien plus longtemps de votre mort que de votre vie !

On raconte que le drapeau togolais, alors qu’il était à son premier coup sur un mât, avait eu un mal fou à se faire hisser le 27 Avril 1960, jour de l’indépendance du Togo. Sans aucune raison apparente, la bannière alternée de vert et jaune avec son pentagramme étoilé blanc sur fond rouge, avait décidé de s’arrêter à mi-parcours pendant un instant qui paru bien long à la foule présente sur les lieux. L’orgasme vint par à-coups. L’accouchement n’en sera que plus difficile. Cela n’augurait pas d’un avenir radieux pour le pays. 56 ans après, notre pays est loin d’avoir vécu une histoire nationale heureuse?

Déjà, le Premier Président faisait office d’un clown tout droit sorti de la prestigieuse london school economics. L’homme voulait visiblement refaire à son image, un pays à peine extirpé des mains du colonisateur. Il se plante d’ailleurs lamentablement en faisant le « PGCD, le Plus Grand Commun Diviseur » du peuple. Oubliant visiblement que le contour géographique du territoire atteignait les confins du Dapaong de sa famille maternelle, il priorisait visiblement la frange Ewé de la population, allant jusqu’à réclamer l’annexion de la partie britannique du Togo pour créer un territoire qui porterait le nom d’Eweland. C’est ainsi qu’il se fait sauter le caisson par une poignée d’officiers majoritairement originaires du Nord; non-contents à l’époque, qu’ils aient été récupérés alors qu’ils servaient sous le drapeau français; et qu’ensuite ils aient été démobilisés et rendus automatiquement inutiles. Sylvanus Olympio, estampillé brillant homme d’état s’était trompé sur toute la ligne; la France qu’il avait pris soin d’écarter assez tôt des affaires post-coloniales donna un léger coup de pouce aux militaires fâchés. Ce fut le premier coup d’état en Afrique. Le Togo fit d’ailleurs cas d’école amenant les autres pays d’Afrique francophone et même anglophones à convertir à leur tour leurs fauteuils présidentiels en sièges éjectables mortels.

Chez nous, après une présidence fragile de Nicolas Grunitzky, jugé en même temps trop brillant, trop progressiste et trop laxiste pour pacifier une population divisée, c’est un Gnassingbé Eyadema, militaire de carrière, qui visse son derrière sur le siège de la magistrature suprême jusqu’à ce que mort s’en suive, 38 ans plus tard. Selon Jacques Foccart, De Gaulle aurait expliqué à ce dernier, qu’il se devait en tant que militaire, régner d’une main de fer pour unifier/pacifier les populations que le premier larron présidentiel avait contribuer à opposer et à cliver. L’idée étant évidemment de ne pas se laisser les différentes sensibilités politiques animer une succession de coups d’état contribuant à déstabiliser un peu plus le pays, comme on le vit au Ghana, au Nigéria ou encore en Amérique Latine pratiquement à la même période.   Eyadema fit donc le tapeur de poing sur la table; de lutteur à tapeur, la ligne de frontière était d’ailleurs mince. Et visiblement, cela fonctionna.

La France avait connu ses 30 glorieuses vers les années 50, le Togo avait connu ses 10 dispendieuses dans les années 70. Le carburant était à 19F le litre, la bière probablement à 25 F, le paquet de ciment ne coûtait pas bonbons, les fonctionnaires laissaient la climatisation tourner toute la nuit dans des bureaux qu’ils quittaient parfois avant 17H30; tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes togolais.

Seulement, il y eu le vent de l’est qui balaya sur son passage un mur de béton armé en Europe occidentale et transporta une volonté de libération des peuples africains dirigés par des mains de fer. Il faut reconnaître que derrière, les officiers présidents comme Eyadema, s’étaient enrichis, avaient pris goût au pouvoir, avaient créé leurs clans siciliens tout en laissant les maigres infrastructures issues de leurs politiques des grands travaux se détériorer. L’exemple le plus parlant est celui de l’hôtel 2 Février, l’établissement hôtelier le plus grand du pays qui n’a jamais rapporté à la nation. Gouffre financier que le groupe Sofitel n’arriva pas à  sauver, que Laicco Resort de Khadafi démembra; et que Faure Gnassingbé essaie de ressusciter avec peine en featuring avec des capitaux de la chaîne hôtelière Radisson Blu; capitaux acquis auprès d’institutions de financements sous-régionaux. Priez à l’autel pour cet hôtel.

C’est à ce moment-là où l’économie commençait par sentir le roussi, et que le vent tournait pour souffler à partir de l’est, qu’on se souvint  de Sylvanus Olympio. On dora son blason de père de l’indépendance. Son fils, Gilchrist, bénéficiant du mythe du père tué, morcela la populations en poches de rancoeurs, poursuivant l’oeuvre de son père diviseur. On avait très tôt classé du côté du diable, tous ceux qui étaient avec Eyadema, et du côté des anges, tous ceux étaient contre. Le fait que cette consigne profondément idiote ait été suivie montre à suffisance que la génération de nos pères n’était pas intellectuelle, voire même intelligente. Elle n’analysait rien et ne fonctionnait qu’à coups de sentimentalisme politique pour tel clan ou tel autre. Elle a encouragé le clivage politico-ethnique et a amené l’officier-Président à la tête d’une armée trop armée à se radicaliser et à se protéger contre toute velléité pouvant déboulonner son pouvoir. Le clan Gnassingbé a certes tremblé dans les années 90, mais il s’est ravisé et s’est rassis sur son siège présidentiel qui a pris l’allure d’un trône. Ce n’était pas Game of Thrones. C’était Game Over pour les opposants politiques qui allèrent de ratés en ratés.

De nos jours, ceux qui ont été opposants véhéments se sont illustrés en retournements de veste spectaculaires, voire même en strip-tease. Ils font aujourd’hui partie de la minorité qui s’accapare des richesses du pays. Certains sont passés par un accord de partage du pouvoir; d’autres par un statut de chef d’opposition (chèvre d’opposition? kr kr kr ). Ils ont tous le dos au feu, et le ventre à table… Ils ne s’en portent que mieux et bénéficient de la manne financière mal redistribuée. Voilà où nous en sommes, en 56 ans d’indépendance.

L’histoire seule suffit à voir en notre pays, la lie de la sous-région. Si Dieu nous a d’ailleurs gardé d’une guerre civile, c’est bien parce qu’il a deviné que si nous avions été aux mêmes extrémités que les ivoiriens, nous mettrions longtemps à nous en relever économiquement. Dix ans de guerre en Côte d’Ivoire n’ont pas affaibli son économie. Le Togo à sa place irait concourir avec le Libéria, dans les tréfonds des rangs occupés par les pays pauvres.

Cela dit, l’économie du Togo a connu des jours meilleurs; et ce il y a bien des années. C’est même d’un pays sous perfusion que Faure Gnassingbé a hérité au début de son mandat. D’aucuns penseraient d’ailleurs qu’il aura péché, (ses collaborateurs avec), par inexpérience avec des plans de relance ratés. Et comme il est difficile de se débarrasser des habitudes de cour qui ont cours dans la minorité qui l’entoure…

Le Togo s’est approché dangereusement d’un taux d’endettement de 100% avant de se voir sauver par un hypothétique point d’achèvement PPTE. Certains économistes comme Yves Ekoué Amaïzo qui ne sont pas en odeur de sainteté avec le pouvoir en place au Togo voient en ce statut de PPTE, une nouvelle ouverture pour la minorité dirigeante au Togo de ré-endetter le pays pour l’amener vers point d’achèvement PPTE2.

https://blogs.mediapart.fr/francois-fabregat/blog/190815/togo-l-endettement-du-togo-fiction-ou-realite

(Il faut reconnaître que l’économiste est exagérément alarmiste et que certains chiffres ne sont pas confirmés par le site officiel du FMI qu’il cite pourtant comme source… ah ces opposants…).

Les secteurs comme la santé et l’éducation font les grabataires. Quand jeune Ingénieur volontaire en 2011, j’ai retrouvé des groupes électrogènes BENZ datant de 1975 dans le plus grand hôpital du pays, le CHU Sylvanus Olympio, j’ai souri aux malheurs énergétiques qui caractérise le pays. Nous vivons dans un musée énergétique dont la vie est rythmée par des coupures de courant dûes à des infrastructures en fin de vie. Même la nouvelle centrale électrique prévue au départ pour être alimentée au gaz naturel a fini par virer au fioul. Seulement, on la dit aujourd’hui trop gourmande côté consommation. On la prenait pour une renault twingo; elle est devenue une Chrysler Escalade. Le coup porté à l’économie s’échelonne en milliards.

Des projets agropastoraux mis sur pied récemment, portant des promesses de par leur nom PNIASA, PADAT, PASA se sont essoufflés. On dit qu’un Ministre de l’Agriculture abonné aux syncopes sous les coups de reins de sa dulcinée de journaliste avait tout fait pour donner un coup de booster au secteur agricole du Togo. Il fallait qu’à un moment donné, les togolais puissent bien manger, et à moindre coût. Mais bon… apparemment, même s’il avait les couilles pour porter ces projets, on ne sait pas si son départ a contribué à anéantir les espoirs du plans PNIASA, PADAT, PASA. Une chose est sûre, les fruits de ce projet ne tiendront pas les promesses des fleurs qu’on leur a faite.

A l’image des populations riveraines qui déversent les eaux usées et autres déchets ménagers, voire domestiques, dans les caniveaux des routes, les bouchant définitivement pour in fine causer des dégradations des infrastructures routières qui avaient déjà un mal fou à se faire entretenir; l’Etat togolais actuel charrie trop de péchés et de désordre économiques, parfois mêmes quelques crimes financiers qui pressent le seuil de pauvreté sous la barre du 1 dollar par jour.

Aujourd’hui, nos 56 ans d’indépendance ne valent donc rien ! Il n’y a pas de quoi les célébrer. Le bon togolais n’a pas de quoi célébrer.

Il est facile d’accepter que des efforts louables sont faits. Il va être en revanche difficile de louer les actes sous l’impulsion personnelle du chef de l’état, surtout quand on regarde ce qu’il reste à faire, parce qu’on veut tourner son regard vers l’avenir. Puis quand on met dans la balance, le nombre de projets sacrifiés sur l’autel des intérêts personnels d’une certaine minorité roulant en bolides rutilants sur des routes dévêtus de bitumes et construisant de belles demeures à côté de cases délabrées, on comprend que le Togo qui aime élever les éléphants blancs, 56 ans d’âge dans le concert des nations est un bien triste pays; et qu’il ne s’est pas bonifié avec le temps .

Ce matin, en me rendant à pied au travail, je regardais les visages insouciants d’élèves déversés par centaines sur le trottoir, se dirigeant vers leurs établissements respectifs. La perspective m’a toujours fait froid dans le dos. Où mettra-t-on tous ces gens-là demain ?

Quand des profondeurs, les bons togolais crient leur désarroi, l’écho de leurs sourdes plaintes retentit à l’infini… Et c’est bien parce que les temps difficiles ne sont pas prêts d’être finis.

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Commentaires

Cyril
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Que de vérités dans un seul billet. Puisse notre amour pour ce pays nous faire nous dépasser pour son bien être. Chapeau l artiste, éveilleur de conscience.

John
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Et quand on lit jusqu'à la fin, on a réellement froid au dos. Quand je vois dans les amphithéatres de l'université du Togo plein à craquer, je me demande si le Togo pourra contenir tous ces gens qui demain seront assoiffés de travail? On se demande encore si notre pays est vraiment indépendant. Et si ces temps difficiles ne sont pas prêt à finir, que faire. Prier demeurera la seule solution? Oui nous allons encore prier pour le Togo.

Belizem
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Adieux sitôt finis . sommes nous plus intelligents que la génération de nos pères?

Eteh Komla ADZIMAHE
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si nous ne le sommes pas encore, il faudra bien l'être. Parce que comme le dit François Mitterand, le devoir de la jeunesse, c'est d'atteindre l'impossible...