Togo : Le rétropédalage tardif de la Présidence

29 novembre 2014

Togo : Le rétropédalage tardif de la Présidence

Situons rapidement le contexte du rétropédalage. Ce n’est qu’un petit rappel puisque, vous faisant intimement confiance, je sais déjà que vous vous doutez de ce que cela peut être.

Ce verbe sera employé ici comme un synonyme de « reculer ». Pour faire plus logique, disons que « Rétropédaler » signifie « pédaler pour aller vers l’arrière ».

Le site web du journal Le Monde explique que l’exercice est tout bonnement impossible avec une bicyclette ordinaire, munie d’une roue libre. Il faudrait donc que les hommes politiques utilisent un vélo à roue fixe. En théorie, cela ne serait pas tout à fait impossible : on peut imaginer qu’en « rétropédalant » vigoureusement avec un vélo à roue fixe, le vélo se déplace vers l’arrière avec une vitesse suffisante pour se maintenir en équilibre. Mais ce doit être un exercice bien périlleux car le moindre mouvement du guidon ferait dévier le cadre de la ligne de déplacement, avec la chute assurée ! Cet exercice relève donc plutôt du domaine du cirque. Mais c’est peut-être là le sens caché de cette métaphore : les hommes politiques seraient-ils des équilibristes de cirque ?

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Mettons tout cela en rapport avec les faits tels qu’ils se sont déroulés au Togo cette semaine :

L’opposition politique togolaise a encore appelé cette semaine, le Président de la République, garant de la Constitution, à toiletter un peu quand-même cette dernière pour y ajouter des dispositions limitant par exemple les mandats présidentiels à deux par président réélu, ou encore en doublant le nombre de tours de l’élection présidentielle. On en était là, quand Faure Gnassingbé en visite chez les voisins de l’Ouest (au Ghana) dégaine et tire sur ces projets de l’opposition : Il y a un principe qui ne varie pas ; c’est celui du respect des dispositions constitutionnelles de la constitution en vigueur.

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Stupéfaction ! Déception ! Découragement ! la scène politique un peu sonnée, hésite même à faire des commentaires.

Il faut attendre jeudi en soirée pour qu’une voix s’élève au loin du palais présidentiel. Elle vient annoncer qu’en fait le Chef de l’Etat s’était mal fait comprendre. Respect de la constitution veut dire respect de celle-ci, même quand elle change. Je laisse à votre appréciation, les beaux mots de Cléo Petchezi, Secrétaire Général Adjoint à la Présidence, jeudi en soirée sur RFI :

Je crois qu’il faut clarifier les choses. Le fait d’appeler au respect de la constitution en vigueur ne signifie pas du tout que le Président de la République est hostile aux réformes. Le Chef de l’État est simplement légaliste ; il n’a fait que rappeler un principe constant à savoir que : on ne peut pas aimer la loi telle qu’elle est mais tant que celle-ci est en vigueur, il faut bien la respecter parce que c’est la loi de la république. Cependant il faut dire et redire avec force que dans l’esprit du Président de la République, le respect des institutions n’est pas incompatible avec l’ouverture des réformes. Bien au contraire, et c’est là où il me semble que le Chef de l’Etat fait un clin d’œil subtil aux partis politiques en leur disant, discutez entre vous et dès que vous parviendrez à acter des réformes constitutionnelles consensuelles, je me battrai pour que celles-ci soient respectées parce que j’ai fait le serment de respecter et de faire respecter la constitution togolaise. C’est comme ça qu’il faut le comprendre quand le chef de l’État togolais dit que dans tous les cas de figure, la constitution sera respectée.

 Honnêtement, vous y croyez vous? C’est trop facile…

Prenons nous au sérieux un instant.  Si on veut, un tantinet, accepter les propos justificatifs de la présidence, on revient tout de suite au point de départ, au niveau zéro (#groundzero) où tout le monde était, avant même que cette déclaration ne fuse au Ghana. Autrement dit, ce qui a été dit au Ghana ‘était inutile. Il n’en aurait pas parlé, qu’on en serait au même point. Où est donc l’information?

Allons quand-même plus loin dans la déclaration présidentielle faite le mardi en soirée par Faure Gnassingbe. Je recite les propos avec une phrase en plus : Il y a un principe qui ne varie pas ; c’est celui du respect des dispositions constitutionnelles de la constitution en vigueur. Naturellement, l’opposition ou les partis politiques peuvent avoir une opinion sur telle ou telle chose. 

Comprenons donc en clair que l’opposition a une opinion comme dans toute démocratie, mais elle ne fera pas changer un texte constitutionnel vu qu’elle n’en a pas le pouvoir. Surtout le pouvoir législatif.

Les propos du Président voulaient dire ce qu’ils voulaient dire au sens le plus littéral du terme. Son idéal à lui est de garder la constitution tel quel. Naturellement, certaines pressions (Accord politique global, Communauté internationale, récents évènements politiques dans la sous-région etc.) peuvent l’emmener à changer; mais son opinion à lui est tout autre. Que la constitution demeure dans son état actuel.

Il est d’ailleurs préoccupant, si cela n’était pas le cas, qu’un président puisse parler clairement sans pour autant exprimer le fond de sa pensée à une assistance; et qu’on mette au moins 48 heures pour revenir réexpliquer ses propos et les remettre avec force expressions (légaliste, clin d’oeil subtil etc.) dans le contexte souhaitable pour tous.

C’est un rétropédalage, un volte-face qui contribue à brouiller définitivement la ligne de la Présidence. Cela fait partie des tergiversations qui peut-être montrent un certain embarras sur un sujet aussi pointu que la constitution et son toilettage ou non. Et ceux qui attendent le Président pour qu’il passe à l’acte sont assis sur des charbons ardents; attendant un signe Faure !

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